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femme d'alcoolique sur plusieurs génération, héritage transgénérationnel

Par Force2Courage

Bonjour à tous,

J'ai déjà publié précédemment un fil de discussion "codépendance et fonctionnement du couple alcoolique". Je tiens ici à vous faire part d'un autre élément très important dans la compréhension du codépendant: la transmission générationnelle.

Comme je l'ai dit auparavant, j'ai fait une dépression nerveuse importante il y a un an, suite au dysfonctionnement de mon couple. J'ai tout d'abord été prise en charge par un psychiatre pour mettre en place le protocole médical, puis par une psychologue.

J'avais déjà fait quelques séances avec le psychiatre, les choses s'éclaircissaient un peu pour moi, la brume de la dépression devenait moins dense, il a alors abordé un sujet capital selon lui: la notion d'héritage transgénérationnel.

Je suis la femme d'un alcoolique, la fille d'un alcoolique, la petite fille d'un alcoolique, etc... Il m'a alors posé la question "Comment expliquez vous que de génération en génération, vous reproduisiez le même schéma?" J'ai perdu pied quand il m'a balancé cette bombe. Je suis sortie de là complètement désorientée. La colère m'a pris, j'en voulais énormément au psy de me dire des choses comme ça, je pensais qu'il m'accusait d'avoir volontairement choisi un alcoolique par tradition familiale. Mais en même temps, ça me tournait dans la tête en permanence, ça ne me quittait plus, ça m'obsédait, mais je ne trouvais pas de réponse.

Et à chaque séance, la question revenait. Il m'a expliqué qu'il était capital que je trouve la réponse, car ma fille risquait d'hériter ce fardeau psychologique, que s'il y a transmission générationnelle, il était fort probable qu'actuellement je sois en train de lui transmettre un mécanisme défaillant. Ce n'était donc pas tant pour moi que je devais trouver la réponse (le mal est fait) mais pour elle.

Il m'a fallu des mois et des mois d'inspection, de remise en question, de doutes... De la colère, de la peur, de la honte. Certains éléments de réponses arrivaient, mais ne me convenaient pas, trop simples, trop superficiels. Autant vous dire que certaines réponses ne me mettent pas du tout en valeur. Comme j'aimerai dire que rien n'est ma faute et que je ne suis qu'une victime innocente. Et évidemment, pas question de dire c'est génétique et c'est comme ça... pas plausible du tout.

Voilà les éléments (et je pense qu'il m'en manque encore...) que j'ai réussi à découvrir sur moi-même. Utilisez cela avec précaution, car je ne pense pas que cela soit transposable à tout le monde!

1/ J'ai toujours vécu avec la présence d'alcool dans mon entourage proche, sans que cela ne choque personne. Petite info, je suis bretonne, et en Bretagne comme dans d'autres régions, l'alcool est une banalité. Mon conjoint avait l'alcool festif, normal. Il avait de la résistance à l'alcool, comme une fierté pour un breton... Bref, je n'étais pas programmée socialement pour avoir un rejet de l'alcool, et je pense que toute notre société est conçue en ce sens, la consommation d'alcool est tristement banalisée et personne ne trouve rien à en redire.

2/ J'étais renfermée, je retenais l'expression de mes sentiments. Son alcool avait un effet désinhibiteur sur lui, et je faisais un transfert sur lui. Il vivait pour nous deux, il m'entrainait dans son sillage de joie, de bonne humeur, il vivait à 100 à l'heure et je ressentais la vie à travers lui. Il m'a permis ainsi de m'assumer et de sortir de ma bulle.

3/ Mon père a eu une période de plusieurs années où il était violent, c'est peu de le dire. Il a envoyé ma mère plusieurs fois à l’hôpital avec des blessures graves. A de nombreuses reprises j'ai pensé qu'elle était morte, qu'il était en train de l'assassiner sous mes yeux. J'intervenais, je m'interposais, j'appelais les secours (gendarmerie, pompiers, voisins, famille, tout ce que je pouvais). Il m'est même arrivé une fois (j'avais 13 ans) que je doivent assommer mon père pour lui faire lâcher prise. Une fois, c'est même une brigade d'intervention spéciale (type GIGN) qui a dû intervenir car il avait annoncé avoir emprunter une arme à un de ses copains. (en fait c'était faux, mais on était retranchées à l'étage et on osait pas sortir). J'ai connu mon père avant sa période de violence, avant que l'alcool ne dévaste tout, et aujourd'hui cette période de violence est finie, il est toujours alcoolique mais maîtrise d'une volonté de fer sa consommation à un niveau où il est maître de son comportement. L'alcool de mon mari ne ressemblait en rien à ce que j'ai connu chez mon père, j'ai bêtement pensé que c'était gérable. L'amour que je porte à mon père est immense. J'ai detesté l'homme violent, je l'ai haï. Mais j'ai toujours aimé mon père dans ses périodes "sous contrôle" malgré son alcoolisme.

4/Ça c'est le pire des dysfonctionnements que j'ai remarqué chez moi. Quand le problème m'est apparu clairement, que mon mari avait un comportement anormal avec l'alcool, et surtout que son comportement sous l'emprise de l'alcool était anormal vis à vis de moi, j'ai pensé que je ferais mieux que mes parents. J'ai pensé qu'avec mon expérience je garderai la situation sous contrôle. C'est comme si je voulais me prouver à moi-même que je pouvais réécrire l'histoire en mieux par rapport au scénario de mon enfance.

5/ Mon enfance, et celle de ma mère avant moi, m'a appris les technique d'évitement, d'adaptation à un comportement anormal. Je savais distraire l'attention, apaiser les crises, adapter mon attitude quand ça commence à déraper. Instinctivement j'ai reproduis ce que j'ai fait toute ma vie: compenser les défaillance de responsabilité, pardonner, écouter, soigner, éviter... C'est parce que j'ai vécu avec un alcoolique enfant que j'ai pu vivre avec un alcoolique adulte. Je n'aurais probablement eu la même patience et la même empathie si je n'avais pas vécu dans un environnement dysfonctionnel.

Donc, en résumé, c'est moi qui suis à l'origine du phénomène de transfert entre nous deux, c'est moi qui l'ai initié. Et ce que j'ai recherché chez lui avait quelque chose à voir dès le début avec l'alcool et sa désinhibition. Même si je n'ai pas choisi de vivre avec un alcoolique, j'y suis pour quelque chose, bien d'autres seraient parties avant moi! Moi je suis restée. J'ai recherché un partenaire avec qui mettre en place le scénario du sauveur- bourreau - victime. C'était inconscient, et surtout je n'avais certainement pas conscience que pour être le sauveur (c'est mon moteur) il fallait aussi que je sois le bourreau et la victime.

Voilà, toujours pas de solutions, mais je comprend pourquoi j'en suis là, même si certaines facettes de ma personnalité sont surement encore inaccessibles actuellement à mon introspection. Et je cherche aujourd'hui comment casser la transmission de ces mécanismes à ma fille.

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