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Impression d'être condamnée

Par Profil supprimé

Bonjour/bonsoir,

Je suis une femme de 30 ans, je suis alcoolique.

J'ai une bonne situation, je suis médecin, dans des conditions de travail difficiles considérant la politique actuelle accordant plus d'importance à l'argent qu'aux soins;


J'ai eu une enfance difficile, un père alcoolique et sociopathe, une mère toxique, qui a encore une emprise sur moi aujourd'hui, en me culpabilisant pour n'importe quoi, et en voulant contrôler ma vie.

J'ai décidé de me prendre en charge au CSAPA de mon secteur suite aux conseils de la personne m'ayant parlé par chat sur ce site. En tant que médecin, considérant la stigmatisation de la maladie d'autant plus chez les femmes, je ne peux pas me permettre une cure dans le public. Le psychiatre que j'ai rencontré m'a proposé une semaine d'hospitalisation en médecine interne, mais je suis plus que certaine que je vais rechuter en sortant.

Concernant ma consommation: je ne consomme que le soir, à visée de "décompression" après une journée de travail, et que des bières fortes. Je n'arrive pas à diminuer, c'est devenu une routine, et le seul moyen que je vois d'arrêter, c'est l'Espéral que j'ai chez moi; il faut "juste" que j'arrête l'alcool pendant 24h avant de commencer le traitement...

Seulement, je ne sais pas si je suis suffisamment motivée pour me lancer, et considérant mon isolement familial, j'ai peur que ça ne tienne pas.

J'ai vraiment l'impression que je vais devoir lutter toute ma vie contre cette maladie et je commence à penser que la solution la plus simple serait d'en finir. Je me suis mise sous antidépresseur mais je me demande si je ne vais pas l'arrêter pour retrouver un peu d'énergie..

J'aimerais avoir des témoignages de personnes ayant réussi à s'en sortir pour retrouver un peu d'optimisme et me dire que ma vie pourrait être différente...

En vous remerciant de m'avoir lue.

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2 réponses


Profil supprimé - 19/06/2019 à 22h11

Bonjour Alreadydrunk,

J’ai perçu beaucoup d’émotions dans votre message. De la colère, face à ce système de santé qui privilégie l’économie au détriment du bien-être des patients, à l’endroit de vos parents aux comportements toxiques et destructeurs. De la honte, celle mue par la crainte d’être étiquetée comme une alcoolique, socialement et professionnellement, mais aussi à titre de femme. Du désespoir, qui se traduit clairement dans le choix de vos mots : « impression d’être condamnée », « penser que la solution la plus simple serait d’en finir ». De la peur, celle de ne pas parvenir à vous en sortir, de n’avoir pas une motivation suffisante au succès de votre démarche.

Ce que je perçois également, et je me trompe peut-être, c’est de l’épuisement. Une grande fatigue accumulée au fil de nombreux combats et de grandes douleurs, que vous tentez de sublimer par l’alcool le soir venu, après une autre rude et laborieuse journée. Ainsi habitée par autant d’émotions négatives, rien de plus normal que de chercher un refuge, quel qu’il soit! C’est un fardeau bien lourd que vous portez là!

Voilà un mois que j’ai cessé de boire. Comme vous, mes séances d’ivresse s’apparentaient à une routine; le soir, pour décompresser. J’avais depuis longtemps constaté que cette habitude ne me convenait pas (plus), mais ne voyais à court et moyen termes aucune alternative viable. Bien sûr, j’étais allée quérir beaucoup d’informations sur l’alcoolisme et avait parcouru quantité d’articles scientifiques sur le sujet. Mais comprendre le phénomène ne m’aidait pas à l’appliquer à mon cas, à lui donner cette dimension humaine qui s’avèrerait plus tard essentielle pour briser le cycle.

Puis, au détour d’une recherche sur Internet, je suis tombée sur le fil de discussion initié par « Echo » sur ce même forum, intitulé « Il y a de l’espoir ». Je ne saurais trop vous en conseiller la lecture, qui porte vraiment bien son nom! Le témoignage d’Echo m’est apparu comme une bouffée d’air frais, comme l’étincelle capable d’embraser tout le reste. Le fruit était mûr, mais c’est sur un coup de tête que j’ai décidé de le cueillir. Et si aujourd’hui je dois à cet homme-courage mon Jour 1 d’abstinence, je me garde le mérite de ceux qui ont suivi.

J’ai démarré mon propre fil de discussion, intitulé « Anxiété et alcoolisme : mon cocktail détonnant ». Je venais l’entretenir presque tous les jours, un peu comme un journal de bord, presque comme un journal intime. Cela me permettait notamment d’évacuer toutes mes émotions négatives, et me donnait par le fait même la chance d’en vivre de plus positives. Écrire fut l’une des clés de ma réussite, car elle me permettait d’entretenir au quotidien un dialogue honnête avec de moi-même et de poser chaque jour les nouveaux jalons de ma motivation (qui n’a cessé d’évoluer avec le temps). Cette avenue n’est pas forcément celle qui convient à tout le monde, mais je demeure convaincue que vous trouverez la vôtre. Personnellement, à force d’essais, j’ai fini par comprendre qu’il n’y avait pas d’erreurs.

À ce jour, je pense que le processus entourant le sevrage et l’abstinence prolongée ne peut se résumer à une démarche intellectualisée ou à un simple protocole. Il exige de se pencher sur les émotions qui sont à l’origine de la dépendance, celles-là même qui, une fois gérées, font de la place aux nouvelles. C’est peut-être ce qui me faisait le plus peur avant d’arrêter : affronter mes démons intérieurs. Pire! Me voir telle que j’étais, ce qu’était ma vie, sans le filtre de l’ivresse qui en arrondissait les angles. Et qui plus est, sans ce précieux refuge que je retrouvais en fin de journée! Pourtant, avec le recul, je me rends compte que le chemin est globalement moins tortueux que je ne l’avais escompté. J’en suis d’ailleurs encore étonnée.

À peine quelques jours après l’arrêt, je me rendu compte que les conséquences de mon alcoolisme s’apparentaient aux données parasites d’une situation-problème. Une fois ces biais écartés, les paramètres à considérer me semblaient moins nombreux; la démarche à privilégier, soudain bien moins compliquée. Autrement dit, une fois l’état dépression engendré par la consommation d’alcool retiré de l’équation, mes angoisses intérieures m’apparaissaient de moins en moins étouffantes, jusqu’à devenir tolérables, puis finalement assez agréables.

Ce qui m’a jusqu’à maintenant aussi beaucoup aidé à conserver ma motivation est d’avoir décomposé ledit problème en portions plus petites et plus faciles à résoudre. Par exemple, en me levant le matin, je ne me dis pas « Je ne boirai plus jamais de ma vie! », car c’est une pensée très angoissante. Je préfère me dire « Je ne boirai pas aujourd’hui ». Et de fil en aiguille, je réalise que les jours d’abstinence s’accumulent, que « les mauvais jours » se font de plus en plus rares.

J’ai grandi avec le culte de l’effort. Ancienne gymnaste, j’ai appris à dépasser ma douleur, à ignorer les signaux de fatigue que m’envoyaient mon corps. Vous-même médecin, je suis certaine que vous comprenez le sens véritable du mot « sacrifice ». Il existe cependant d’autres façons de vivre, et c’est précisément ce que je suis en train de découvrir.

J’espère de tout cœur que vous vous donnerez bientôt l’occasion de réussir et de vous laisser surprendre en découvrant que vous en aviez les moyens.

Orangine
36 ans
Sherbrooke

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » - Mark Twain -

Profil supprimé - 22/06/2019 à 12h58

Bonjour à toute les deux,

Orangine, j'ai lu ton commentaire avec beaucoup d'émotion, merci de ces beaux mots. Je te te les retourne aussi, il faut lire tes merveilleux textes qui sont empreints de volonté et courage. Tu es une très grande source d'inspiration.

Moi aussi je me croyais condamné à vivre avec ça, même sans. Mais après quelques 70 jours plus ou moins (je ne les compte plus maintenant) il est évident que j'avais tord. Ma vie est redevenue celle d'avant, pleine forme et j'ai découvert comment prendre plaisir sans devoir ouvrir une bouteille.

J'ai cessé les d'aller aux rencontres AA. Ça a été une étape importante mais je ne me considère plus comme alcoolique et je sort tranquillement de ce monde. Je sais bien que je pourrais retomber, comme je pourrais attraper la grippe, mais je ne me sens pas le besoin ni l'envie d'y penser chaque jour. J'écris moins souvent ici aussi mais j'aime toujours venir lire les témoignages.

Je t'encourage, Alreadydrunk, à tenter cette belle expérience de retrouver l'équilibre dans ta vie. Je le pensait la première fois que je suis venu ici mais j'en suis convaincu maintenant... Il y a de l'espoir.

Eric
Montréal

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