Bonjour, Mon père est alcoolique depuis environs 25 ans… par phases plus ou moins aigues. Il ne travaille plus depuis quasiment autant d'années, s'auto-détruit, lui et ses relations. J'ai toujours espéré qu'il s'en sorte, qu'il puisse trouver sa place et qu'il arrive à entretenir des relations saines. Mais bon, au bout de 25 ans, ça me semble peine perdue. Je suis la seule personne qui l'aide encore, mais j'ai de plus en plus de mal à l'aider car je suis le seul à pouvoir le faire et il me fait culpabiliser quand je ne peux pas. C'est assez lourd d'autant plus que j'ai été le seul à venir le voir régulièrement après son AVC, après son infarctus, à aller lui faire des courses pendant plusieurs mois quand il n'arrivait plus à bouger. À côté de ça, depuis le divorce avec ma mère, il ne lui a versé aucune pension, n'a jamais essayé de réellement s'intéresser à ma vie. Je crois qu'il ne sait pas comment s'aider, comment s'aimer, comment prendre soin de lui. Alors je ne sais pas quoi attendre d'un père qui n'arrive pas à assumer son rôle. Je ne lui en veut pas, je suis attaché à lui, mais parfois je n'en peux plus… j'aimerais juste que parfois les choses soient légères et simples avec lui. Pas lourdes, glauques et tristes. Je ne sais pas ce qu'il pense de lui-même, de moi. Mais il semble que selon lui le monde soit rempli de cons, de gens à qui on ne peux pas faire confiance, de ratés… bref selon moi ce sont des paroles de personnes qui ne pardonnent pas, car il ne savent pas s'aimer, projeter leur propre vulnérabilité en l'autre. Chercher à tisser des liens qui lui permettront de voir un peu plus la lumière. Je sais que ça sonne un peu mystique, mais il y a des choses en ce monde qui font du bien, qui créent du lien, génèrent du bonheur. Et il a du mal à les trouver, à les faire siennes, à les cultiver. Je pense qu'il doit se sentir abandonné de tous, qu'il a besoin d'amour. Mais je n'arrive pas à lui donner, j'ai l'impression de ne pas en avoir la force. Je ne sais juste pas quoi faire… ça me pèse beaucoup.

Mise en ligne le 06/04/2022

Bonjour,

Vous faites part de votre impuissance face aux consommations d'alcool de votre père et à son éloignement social. Vous avez bien fait de vous rapprocher de notre service afin de ne pas rester seul avec cette situation éprouvante.

Nous sommes sensibles à la souffrance que vous ressentez. Il nous semble que vous avez toujours apporté soutien et bienveillance à votre père, malgré ses difficultés avec l'alcool et les complications qu'elles peuvent engendrer sur sa santé ou ses relations.

Nous pensons que vous faites preuve de beaucoup d'empathie, de force et de finesse, en prenant en compte le mal-être de votre père et la complexité des conduites addictives, mais sans occulter vos propres limites.

Aussi forts que soient les sentiments que vous avez pour votre père, il ne vous est probablement pas possible de soigner son mal-être ou de le faire changer d'état d'esprit. Il ressent visiblement beaucoup de colère et d'amertume, et bien que sa souffrance soit réelle, elle n'est pas vôtre. Vous prenez soin de lui depuis de nombreuses années. Si l'amour avait suffi pour l'aider, il aurait pu, sans aucun doute, se détacher de ses tourments. Malheureusement, aussi important que soit le soutien de l'entourage, cela n'est pas suffisant. Il faudrait qu'il soit acteur de sa démarche de soin, et qu'il bénéficie d'un suivi de professionnel-le-s, pour éviter que tout ne repose sur vos épaules. Vous êtes son fils, pas sa béquille.

Il est certain qu'il est reconnaissant de votre investissement, mais la douleur et l'alcool peuvent prendre toute la place, ou parasiter les façons de s'exprimer. Il se peut que son mal-être soit si intense qu'il ait du mal à voir au-delà, et à s'intéresser à ce qui se passe autour de lui (notamment dans la vie des personnes qui lui sont le plus chères).

Il est tout à fait normal de souhaiter avoir une relation enthousiasmante avec ses proches. Le fait d'exprimer le besoin de vivre des moments joyeux ne fait pas de vous une mauvaise personne ou un mauvais fils, au contraire. Recevoir et faire du bien est essentiel pour nous, en tant qu'être humain. De même, ressentir et vouloir s'entourer de choses positives ne constitue pas un abandon ou un rejet de votre père. Il est très important de pouvoir conserver et entretenir ce besoin de vie et de joie autour de vous, et pour vous. Même si cela est plus facile à dire qu'à penser, vous n'avez pas à culpabiliser de vouloir vivre. Vous aussi, vous comptez, et votre bien-être est une priorité.

Accepter et pouvoir lâcher prise peuvent être extrêmement difficiles pour les proches. Il est tout à fait normal de ressentir des émotions contradictoires, ou que l'on jugerait honteuses. Nous tenons à vous rassurer: ce que vous ressentez est légitime, et vos besoins sont importants. Nous espérons que vous avez la possibilité d'en discuter avec quelqu'un-e de confiance. Il existe également des espaces spécialisés dans les conduites addictives, au sein desquels vous pourrez trouver une écoute et un espace de soutien. Notamment, les Centres de Soins, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) proposent des suivis pour les proches, dans un cadre gratuit et confidentiel. Nous vous ajoutons les coordonnées de deux centres à proximité de chez vous, en fin de réponse.

Si vous préférez vous rapprocher de personnes ayant été confrontées à une situation similaire, vous pouvez contacter Al-Anon. Il s'agit d'une association de soutien par et pour les proches. Cela se passe sous forme d'entretiens téléphoniques ou de groupes de parole (en visio ou en présentiel). Vous pourrez retrouver les coordonnées de la personne référente de votre département sur leur site internet.

Et bien sûr, n'hésitez surtout pas à recontacter notre service, par tchat, ou par téléphone (au 0 980 980 930, entre 8h et 2h). Nous sommes ouverts tous les jours sans exception. Un-e membre de notre équipe pourra prendre le temps d'échanger avec vous de ce que vous traversez.

Nous vous envoyons tous nos encouragements.

Prenez bien soin de vous.