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De l'espoir, ou du déni? La première crise de rage dirigée contre moi.

Par Muchon

Chères toutes et tous,

L’alcool et la violence qu’il engendre ont toujours fait partie de ma vie. Mon grand-père était un ivrogne qui cognait sur ma grand-mère, ma mère polytoxicomane ramenait des hommes à la maison quand elle était saoule. J’ai vu mon père se faire mettre les menottes sur le pas de la porte et ma belle-mère se tapper la tête contre les murs. Trop souvent.

Aujourd’hui je suis avec un homme bon et aimant mais qui porte le démon de la colère lorsqu'il boit. Il ne boit pas régulièrement. Il sait que s'il met le nez dedans, il a tendance à être un “bois sans soif” alors les grosses cuites et l’ivresse ne sont pas courantes du tout. Peut-être deux ou trois dans l’année. Mais alors… attention à son humeur. Il lâche les chiens et, parfois, devient extrêmement dangereux, alors que c’est un homme calme et posé d’ordinaire. Il vrille d’un coup, focalise sa rage et sa colère sur quelqu’un qui n’a rien demandé et devient très difficile à maîtriser. Cela fait six ans que nous sommes ensemble, nous nous aimons et nous nous sommes battus pour avoir le droit de vivre cette relation. Nous venons de loin disons.

Mais voilà, avant hier, apéro chez ses parents après ma journée d’anniversaire. Beaucoup d’alcool et la rage est arrivée d’un coup. Pour la première fois, il est devenu méchant et hargneux gratuitement avec moi et m'a insulté devant ses parents. Nous sommes rentrés à la maison, moi extrêmement vexée et lui titubant. Je ne voulais plus discuter, mais cette rage ne s’est pas apaisée, au contraire. Il s’en ai pris verbalement à moi jusqu’au moment terrifiant où il m’a saisi par le cou pour me repousser (son seul geste violent). J’ai essuyé une tempête d’insultes et de méchanceté que je n’imaginais pas vivre avec lui, pendant de longues heures. J’ai beaucoup pleuré et j’ai eu peur pour mon intégrité et la sienne. Mais j’ai compris que ce n’était pas “mon homme” en face de moi.

Heureusement, si je puis dire, j’ai déjà vu ça enfant. J’ai réussi à l’emmener, non sans mal, vers l’idée d’aller se coucher en lui promettant de venir m’allonger avec lui après avoir fumé une cigarette. Bien entendu, il s’est relevé trois fois pour m’en remettre une couche, parce que c’est toujours ce qu’ils font, “revenir à la charge” jusqu'à ce que je l’entende ronfler. J’ai pris mon chien, et je suis allée me barricader dans la chambre des petits qui n’étaient pas présents.

Au matin, seulement 3h après, il s’est levé encore saoul comme un cochon et la rage était encore là. J’ai repris une volée d’insultes jusqu'à ce qu’il redescende progressivement et qu'il prenne conscience de la situation. Petit à petit, il s'est mis à s’excuser d’avoir fait çi, d’avoir fait ça, entre deux méchanceté, jusqu’au moment où il a commencé à m’écouter. Il n’a dessaoulé que vers 11h et moi je n’ai pas lâché le morceau. Je lui ai répété en boucle le déroulement des événements jusqu'à ce qu’il fonde en larme.

Alors qu’est ce qu’on fait maintenant ? Un homme violent recommence toujours… Il faut partir…

Il a des bribes de souvenirs. Il dit qu’il me voit pleurer et supplier. Il se voit me saisir par le cou, me lancer des objets. Il s’entend dire des horreurs et ça le choque. De mon côté, je ne le ménage pas mais je ne lui parle pas de “ce qu'il a fait”, je lui parle de “ce que j’ai vécu” et je vois que ça le touche. Il me regarde dans les yeux et je vois la détresse en lui. Il est mortifié évidemment, me demande pardon, me dit que si je pars il le comprendra et me propose même de partir lui, pour ne pas me mettre en difficulté. Depuis deux jours ses yeux sont larmoyants et je l’entend soupirer.

Alors voilà, le schéma reste toujours le même, l’homme lève la main, et s’excuse en implorant... La femme l’excuse et pousse tout sous le tapis, jusqu’a la fois suivante. Et rebelote, jusqu’au drame ultime… Et bien moi j’ai décidé de ne pas partir, et je comprends pourquoi les femmes ne partent pas aux premiers coups. Parce qu’il y a encore de l’espoir en moi, et du désespoir en lui.

C’est un compagnon aimant et tendre, un père exceptionnel et homme bienveillant. Mais c’est aussi un homme complexe et épuisé, avec des traumatismes et un trouble autistique qui lui pèse sur les épaules. Un homme qui n’exprime pas ses frustrations et qui vogue à vue dans un monde qu’il ne comprend pas. J’ai de la compassion pour l’être humain qu’il est et j’ai fait le choix d'intégrer ce qui s’est passé. Je ne ressens pas de colère, ni de tristesse. Je suis désolée pour moi d’abord, et pour lui ensuite, mais surtout je refuse d’avoir peur. Est-ce du déni? Une forme d'insensibilité parce que j’ai été confronté aux dérives de l’alcool toute ma vie? Ou est-ce que j’ai la ressource nécessaire pour comprendre? Je ne sais pas encore.

Nous nous sommes engagés l’un envers l’autre, à réparer les pots cassés sans cacher la fêlure. Je sais qu’il ne boira plus, et je sais que la prochaine fois qu’on lui propose un verre il dira “non, j’ai l’alcool mauvais”. Il s’est fait une promesse et moi aussi je me suis fait une promesse. Celle de ne pas aider quelqu’un qui ne veut pas s’aider lui-même...

Ça tiendra le temps que ça tiendra, et je partirai sans me retourner si il faut, par respect pour ma grand-mère et pour toutes les femmes qui subissent leurs tortionnaires. L’alcool ne doit pas faire de nous des victimes.

Merci de m’avoir lue.

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1 réponse


Moderateur - 06/02/2024 à 15h05

Bonjour Muchon,

Merci énormément pour votre texte.

Votre grande expérience est une lumière, un guide pour montrer comment "gérer" une telle crise.

Vous obtenez des résultats tout en ayant conscience de vos choix, des risques qu'ils contiennent et de vos limites.

Bravo !

N'hésitez pas, éventuellement, à aller dans certains fils de discussions de ce forum pour aider d'autres proches.

Cordialement,

Le modérateur.

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