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Et si ça le faisait

Par Fish

Ma première « cuite » remonte à 1984, il y avait, et il y a toujours, beaucoup d’alcool dans le milieu étudiant ! J’étais effaré par la capacité de certains de mes camarades à « tenir l’alcool ». Ma consommation est restée raisonnable jusqu’en 1993. Ce qui était bien, c’est que tout abus était sanctionné par une « gueule de bois » du lendemain qui poussait à réfléchir… jusqu’à la fois d’après. Je voyageais beaucoup pour mon boulot, ma femme en a eu marre, ou bien elle a rencontré quelqu’un d’autre (je ne sais ce qui est arrivé en premier). L’alcool est alors devenu un remède, à prise quasi quotidienne. J’avais les moyens d’acheter du très bon vin, c’est devenu un prétexte pour deux, trois, … verres chaque soir. Et j’ai continué à voyager … et je me suis remarié … Et les mêmes causes ont eu les mêmes conséquences : pourquoi as-tu besoin d’aller dans tous ces pays pour ton travail ? Et l’alcool est resté le remède à cette question dont je n’avais pas la réponse, une demi-bouteille, puis une bouteille de vin tous les soirs pour ne plus y penser … et rester concentré… Un pays est encore plus chouette que la France pour l’accès à l’alcool, c’est le Royaume Uni, un choix! des horaires ! Et l’alcoolisme est encore mieux vu que chez nous, presque un marqueur social… Pas comme les États-Unis ou se procurer suffisamment d’alcool était compliqué, seul moment où ma consommation s’est stabilisée. Puis un pays initiatique, la Pologne et la découverte des alcools forts. Plus besoin de boire au kilomètre, en quelques verres, vous oubliez tous vos soucis. La dernière fois que j’ai passé plus de deux jours sans boire (cinq pour être précis) c’était en 2005, en vacances … Au sixième jour, quel bonheur, même si j’ai dû me siffler ma dose en cachette… Un sentiment de culpabilité, mais suffisamment léger pour ne pas réfléchir, à ma santé en autres. Une pratique régulière du sport était sensée compenser, avec des règles d’hygiène strictes : pas d’alcool la veille de compèt, puis pas d’alcool la veille au soir, puis, pas plus de trois verres, puis, en fait on s’en fiche ! Arriva cet événement extra-ordinaire, la crise covid de fin 2019… Le confinement ! Plus de temps perdu dans les transports, au bureau, … autant de temps en plus pour boire, dès le matin, surtout le matin, pour bien commencer la journée. Le sujet des cachettes à bouteilles a été vite réglé : sous les meubles de la cuisine, derrière la bibliothèque, avec ce petit plaisir de la crainte d’être découvert par mon épouse ou mes enfants. Pas de souci de toute façon mon stock de sécurité est dans le bac de la tondeuse à gazon. Mais tout ça n’est que le côté rigolo, ce qui fait qu’une bouteille d’alcool fort par jour tous les jours de la semaine n’a plus été une gêne depuis 2020. Le côté sombre a pris sa part, l’isolement, je n’appréciais que les moments seul devant mon verre, perte d’intérêt pour mon travail, mes amis, seul mon chien continuait à me regarder avec amour. Le 24 janvier 2022, sur un coup de tête, j’essaie le suicide : finalement, j’en avais suffisamment profité pour mettre un terme à tout cela, je ne manquerai à personne et surtout pas à moi même… Manque de chance, mon voisin passe devant chez moi au « mauvais » moment et me « décroche » de mon arbre. Hospitalisation, promesse faite de ne pas recommencer, bilans complets … patatras … la quantité d’alcool ingurgitée toutes ces années devient publique. Bon, je vous promets sur le tête du chien que ça aussi je vais arrêter. Promesse qui, une fois rentré à la maison, dure … 9 jours. Et le dixième jour, ce n’est pas une, mais presque deux bouteilles de rhum que j’ai ingurgité, il a fallu d'ailleurs attaquer de bonne heure pour y parvenir. J’étais tombé de mon arbre, mais je tenais un autre moyen plus agréable de me détruir. Rythme de croisière d'une bouteille d'alcool par jour, retrouvé en une grosse semaine, tout plein de prétextes inventés pour annuler les visites médicales "de contrôle". Re patatras … le 2 septembre 2023, déjà bien chargé, je tombe sur un tableau dans un musée qui me fait pleurer à chaudes larmes pendant le reste de la journée. Sans prévenir, il venait de me renvoyer qu’avec ou sans moi, la vie continuerait tandis qu’un être humain a beaucoup de choses à faire de sa vie, me concernant: aimer celles et ceux qui m’aiment en particulier, aimer aussi celles et ceux qui ne m’aiment plus tellement je les avais déçus également. Aujourd’hui débute mon 6eme mois d’abstinence. Chacun(e) a sa méthode et ce qui vaut pour une personne ne vaut pas pour une autre. Boire serait un plaisir extatique, mais à la réflexion, boire me ferait perdre un temps précieux, celui qui consiste à vivre avec les autres, à observer le monde, à rendre tout cet amour que les gens et les choses que l'on croise sont naturellement prêts à me donner, et pas seulement mon chien, même si lui a tout compris et a un coeur « hors norme» . Le printemps sera précoce cette année … pourvu que ça dure.

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8 réponses


cielbleu - 01/02/2024 à 12h19

Bonjour Fish,

très beau texte, qui ne laissait pas vraiment envisager la fin heureuse que tu nous décris.
Tu as frôlé la mort puis il a a eu ce déclic, ce tableau.
Je ne peux pas m'empêcher de penser au livre de Laurence Cottet "Non, j'ai arrêté" dans lequel elle parle, elle aussi, de déclic. Pour elle c'était une messe dans une église. Pour qui, pour quoi, il se passe quelque chose de presque "divin" qui agit comme un éléctrochoc.
J'ajoute pour ceux qui nous lisent, et tu le dis toi-même, qu'il peut ne pas y avoir de "déclic divin" mais tout simplement une prise de conscience assez forte qu'il faut du changement. C'est ce qui c'est passé pour moi. La cuite de trop, ras-le-bol de cette vie-là, de la honte, de la culpabilité, j'arrête!
Et ca marche depuis 4 mois et demi.
Bravo pour ton parcours et pour ta renaissance.

Fish - 01/02/2024 à 15h27

Merci Cielbleu,
Ce que je voulais exprimer, et tu l'as peut être vécu, c'est que l'on peut s'enfoncer très très loin sur un chemin où il y marqué en très gros "dead end" dès l'entrée. Alors, quand un truc arrive, ce "déclic" que tu évoques, il faut saisir sa chance crânement, sortir la tête du sac, dire bonjour aux gens que l'on croise, sourire à la boulangère, s'enquérir de la santé du voisin, ... Les souries viennent en retour alors qu'on n'en attendait plus. ils viennent de ce tout petit truc que l'on a senti sans pouvoir l'analyser, du fait qu'on a tenté sa chance de renouer des liens avec autre chose que son verre d'alcool. Et si ça n'est pas la bonne, ça n'est pas grave, un nouveau déclic viendra, il faudra "juste" y être attentif

cielbleu - 01/02/2024 à 16h36

Fish,

est-ce que tu voyages toujours aujourd'hui?

Fish - 01/02/2024 à 19h04

Cielbleu,

Oui, toujours, mais les conditions de voyages ont changé en une 30aine d'années. Et puis mes 4 enfants sont grands (27, 23, 20, 18), sont sur des campus et voyagent maintenant aussi pour leurs études, ainsi que mon épouse pour son boulot. Nous "retrouver" aurait du devenir la norme et la récompense depuis quelques années, si je ne m'étais pas "perdu" de mon côté.

cielbleu - 02/02/2024 à 09h04

Bonjour Fish,

je te posais la question, car, comme toi, je suis une grande voyageuse et j'ai souvent fait un parallèle entre le voyage et l'alcool, comme si c'était une quête de soi. Je ne sais pas ce que tu en penses.
Tu dois apprécier autrement tes voyages aujourd'hui.
Et tu apprécies ta nouvelle vie sobre?
En quoi a-t-elle changé?

Fish - 02/02/2024 à 14h37

Bonjour Cielbleu,

Je vais être verbeux encore ...

"j'ai souvent fait un parallèle entre le voyage et l'alcool, comme si c'était une quête de soi. Je ne sais pas ce que tu en penses. Tu dois apprécier autrement tes voyages aujourd'hui."

-> Ça c’est un gros sujet … (en passant : j’ai remplacé mes séances chez les psys, bien que très compétent(e)s et agréables au demeurant, par des dialogues avec mes proches, l’agenda est plus difficile à maitriser et l’on peut moins facilement éluder les questions gênantes). Mon papa était officier de marine et ma maman femme au foyer : un père souvent absent et une maman qui en souffrait un peu, peut-être même bcp, en silence, a été longtemps la normalité pour mes 3 frère et sœurs et moi. Je ne pense pas avoir choisi par mimétisme un métier nécessitant des déplacements (dans des grands groupes industriels ayant des sites un peu partout dans le monde), mais surtout pour rencontrer des personnes qui vivent, qui pensent, qui travaillent différemment : ce partage de connaissances, de compétences, de cultures, … me construit. Je n’ai jamais « menti » à ma première puis à ma seconde épouse sur le fait que cet « épanouissement personnel » m’était fondamental et j’ai essayé, j’essaye à nouveau de rattraper en partie les absences par de l’hyper présence ou de l’hyper implication quand je suis de retour, dans la gestion du quotidien familial.
Ce qui a posé problème je crois (donc une partie de ces conséquences désastreuses) c’est le déséquilibre induit dans nos « épanouissements au travail » respectifs et la difficulté de mener de front deux carrières et une vie de famille. Ma première épouse a vite jeté l’éponge : nous nous sommes quittés, elle s’est remariée avec un « sédentaire » (très sympa d’ailleurs) et a aujourd’hui un super job. Pour mon épouse actuelle (« la bonne ») cela a été plus compliqué car elle n’a pas « lâché le morceau », en a souffert d’autant. Nous avons tenté l’expérience de travailler ensemble dans la même société, avons bougé ensemble et avec les enfants dans différents pays. Sur le court et moyen terme cela a été une solution empoisonnée, le sujet du quotidien familial était réglé, mais il y avait la trajectoire de « monsieur » qui déterminait les prochaines destinations et « madame » qui suivait et a qui on trouvait un job. Mon épouse en a souffert encore plus, j’en ai éprouvé du mal être et renforcé ma capacité anesthésiante à consommer.
Nous avons fini par résoudre cette équation dans les années 2000 (ce qui a, sur le plan strictement perso, intensifié mon addiction). Après la naissance de notre quatrième j’ai mis mon boulot au second plan par rapport au développement pro de mon épouse. Elle a aujourd’hui un job dont je pense qu’elle est aussi fière que j’ai pu l’être du mien, nous parlons « d’égale à égal » quand il s’agit de d’évaluer le ratio boulot/famille et de parler futur. Nous parvenons même à nous croiser lors de nos déplacements. Cela n’a en revanche en rien affecté ma dépendance à l’alcool, solidement installée et source de tant de plaisir sur le mode « lâcher prise ».


"Et tu apprécies ta nouvelle vie sobre? En quoi a-t-elle changé?"

-> Là encore je ne suis pas compétent pour apprécier la part de ce qui vaut pour moi et qui vaudrait également pour les autres (comme je le disais, je pense être aller très loin le long de cette voie sans issue sans l’ombre d’une quelconque honte). Outre les bienfaits physiologiques (perte de poids, sommeil, …) la principale différence est un rapport différent au temps. Cela prend du temps de consommer une forte quantité d’alcool quotidiennement, temps auquel il faut ajouter celui durant lequel, le matin, on ne pense qu’au plaisir à venir de boire, puis celui, après, où l’on ne peut pas faire grand-chose, parce que l’on sait bien que tout ce que l’on fera ou dira ne sera pas cohérent. Il y aussi le temps que l’on passe à ressasser ses remords, même si cela faisait un bon moment que je n’en avais plus et que j’étais plus occupé à m’assurer de la cohérence de mes bobards, sur ma santé, sur mon emploi du temps justement, …
Et c’est fou la disponibilité retrouvée pour moi-même et pour les autres. Pour illustrer : depuis un moment je n’avais plus la « niaque » pour un boulot que j’ai trouvé passionnant, en me disant (j’ai 61 ans) : « tout devient superficiel dans l’entreprise », « on me demande de prendre des positions, de proposer des solutions trop rapidement », « avant c’était différent » , « je deviens trop vieux pour ces postures » (tiens, encore un prétexte pour augmenter son dosage alcoolique) … Pauvre pomme ! C’est tout simplement que je n’avais la rapidité ni le temps de concentration nécessaires. Depuis quelques mois je suis passé de : « bon, on me garde parce que j’ai de l’expérience sur bcp de sujets, mais l’entreprise ne me confiera plus de projets clés » à « bon, moyen terme je vois les choses évoluer comme ceci et la façon d’y répondre est cela, allons en parler ». Sur le plan personnel la somme des choses faites cette semaine par exemple et pour lesquelles il m’aurait fallu 6 mois il y 6 mois : ciné/resto avec mon épouse et un couple d’amis, aide à la préparation au bac blanc du « petit dernier », 1 partie de tennis, 1 jogging, aide à l’écriture d’une lettre de motivation pour le plus grand, aide à la rédaction d’un mémoire sur l’IA pour la cadette, remplacement de l’eau des poissons rouges, mise à jour de l’album photos, confection d’une moussaka pour un diner en famille samedi, lecture de deux des bouquins sur ma longue liste d’attente, suis même allé chez le coiffeur (pour le cardiologue … je retarde encore un peu …).
Bon alors ça c’est le côté récompenses, ce le quotidien c’est aussi la persistance de « mauvais moments ». Ces instants qui tombent sans prévenir, où l’on a une envie difficilement répressible de boire. Hier soir par exemple, en rentrant de chez le coiffeur … j’ai emprunté sur qlq mètres la rue que j’empruntais régulièrement à la même heure pour aller m’approvisionner en alcool. Ca peut arriver, une, deux, … dix fois dans la journée, je ne compte plus les fréquences mais je continue de noter les occasions afin de les éviter ou les anticiper pour le futur (autre exemple : la moussaka, je l’ai préparée le matin … ok, c’est meilleur réchauffé blunk … mais surtout parce que j’évite la cuisine en fin de journée … j’y entends toujours des sirènes aux chants très insistants) Quand ces envies me tombent dessus je pense très fort à mes « récompenses » pour ne pas y céder, je lis, je regarde des photos familiales, je vais discuter un moment avec mon chien … Cela a fonctionné jusqu’à présent. Ce que je ressens, outre de l’émotion, c’est la conviction que prendre un seul tout petit verre une seule toute petite fois rouvrirait en grande la voie « dead end ».
Enfin il y a la vigilance à ne pas ajouter du stress inutilement : mes dernières analyses ont encore plein d’étoiles, induisant des possibles complications sur le long terme … on avisera alors, pour le moment contentons-nous de vire sainement. Il y a aussi la question du doute (euh …) de ne pas rechuter un prochain jour parce que l’envie aura été la plus forte … ok l’alcool aura marqué un point, un jeu, un set … mais bon, comme au tennis, jusqu’à l’avant dernier, c’est le point suivant qui comptera … c’est toujours sympa de remporter un match, surtout quand l’adversaire est coriace.

Bon match à toi également (je ne sais plus qui disait: "de toute façon, soit on gagne, soit on apprend"blunk

cielbleu - 03/02/2024 à 17h26

merci pour ce partage!
Oui, le temps retrouvé, c'est juste énorme, et quelle efficacité retrouvée aussi.

Au sujet de l'efficacité; personne ne s'est rendu compte dans ton entreprise que tu buvais?
Tu arrivais encore à performer?
(allusion, encore, à Laurence Cottet qui dans son livre décrit ses responsabilités professionnelles très importantes).
Je me demande comment c'est possible. Remarque, le télétravail solutionnait bien ce problème pour moi aussi, mais j'étais clairement pas performante; j'aurais pu faire beaucoup plus.
Comment tu gérais les réunions etc sous alcool?

Et ta famille, savait-elle que tu buvais autant?

Bon week end!

Fish - 06/02/2024 à 19h18

Personne ne s'est rendu compte dans ton entreprise que tu buvais? Tu arrivais encore à performer?
Il faut bien avoir en tête qu’il a fallu presque trente ans pour en arriver à ce degré d’intoxication. Et vu les quantités absorbées quotidiennement sur les dernières années, je n’étais jamais « agen ». Donc c’était « business as usual ». Deux règles cependant : 1/ ne jamais prendre le volant, même seul, sans avoir estimé que « j’étais bon » via les calculettes à alcoolémie où avoir soufflé dans un éthylotest 2/ ne jamais boire avant d’aller au bureau (et ne pas boire au bureau d’ailleurs). J’ai eu à gérer il y a qlq années le cas d’un collaborateur qui venait parfois en état d’ébriété … pas facile…

Bonjour!

Comment tu gérais les réunions etc sous alcool?
Si j’osais … « l’alcool m’a rendu meilleur », que ce soit en présentiel ou bien à distance. Etant conscient tout de même d’avoir parfois/souvent/toujours un peu/bcp/énormément trop bu : toujours préparer ses réunions : l’ordre du jour, les sujets sur lesquels on va intervenir, l’enchainement de ce que l’on va dire. Et surtout prendre des notes, avant, pendant, pour être capable de répondre à ton collègue qui va te poser des questions le lendemain, alors que ton cerveau, … Bon dans la réalité, je déclare/déclarais forfait une à deux heures avant dans disons 10% des réunions, mais dans le flot, ça ne se voit pas. Jamais d’alcool au bureau donc, mais à l’occasion des réunions tardives, des pots qui s’éternisent : cette « agréable douleur » qui s’installe à l’idée que plus tard dans la soirée, le shoot du premier verre (de plus en plus sec au fil du temps) ne sera que meilleur.

Et ta famille, savait-elle que tu buvais autant?
Question délicate … oui, à l’occasion de ma sortie de route début 2022 le sujet est alors devenu public. Mais que j’ai repris depuis, à des doses encore plus fortes et régulières, non je ne pense pas, surtout que je bois/buvais plus que seul, jamais au resto, jamais entre amis, … quant à l’haleine, le regard brillant, … je ne sais pas.

On y croit ...

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