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déni et dépression

Par Force2Courage

Bonjour à tous,

mon mari est alcoolique depuis près de 20 ans avec des consommations variables et des périodes (courtes de l'ordre de qq jours à rarement qq semaines) d'abstinence. Dans les pires périodes, comme c'était le cas il y a deux ans, il buvait 6 bouteilles de vin par jour et deux à trois bouteilles d'alcool for (rhum, vodka, whisky) par semaine en plus des 6 bouteilles de vin. Autant vous dire que c'était vraiment pas beau à regarder... Bref, actuellement il tourne à deux bouteilles de vin par soit et 2 à 3 bières fortes. Pour lui, il dit qu'il s'agit d'un effort de limiter sa consommation. Il est actuellement en vacances loin de la maison pour quatre mois, il rentre le mois prochain. C'est la pause nécessaire pour que je recharge les batteries et pour qu'il vive sa vie comme il le souhaite loin de toute contrainte.

Ces derniers mois, il a eu pas mal de chocs émotionnels. Le suicide d'un de ses rares amis, juste après qu'il l'ait eu au téléphone.... Une dispute avec sa mère (il est dans le déni de sa responsabilité dans cette dispute, il estime que tout est de la faute de sa mère, et il préfère couper définitivement les ponts plutôt que d'avoir à discuter du problème avec elle), du coup ses frères ont également pris de la distance car je pense qu'ils sont plutôt d'accord avec la position tenue par leur mère...

De plus, depuis deux ans, moi j'ai pris énormément de distance. Je ne crois plus en l'avenir de notre couple, je ne reste qu'à cause de son chantage au suicide si jamais je partais... Il ne m'a jamais fait d'excuse pour son comportement, il m'a volontairement détruit par ses propos et son comportement. Et c'est moi la menteuse, lui n'a rien à se reprocher...

Donc voilà, depuis plusieurs semaine, il est en pleurs à chaque fois qu'on s'appelle. Il est dans un état dépressif complet, il s'enfonce de plus en plus. Je crains en permanence que la gendarmerie m'appelle pour me dire qu'il s'est foutu en l'air. Il reste dans son déni de "c'est pas lui le problème, c'est les autres". Je suis une menteuse, sa mère est une menteuse, et ses frères sont des lâches qui lui tournent le dos. Je sais qu'il ne lui reste pas beaucoup d'amis, mais putain y'en a pas un seul pour lui parler de son problème d'alcool! Ca me fait littéralement enrager, mais bon je n'y peux rien. Ma fille de 16 ans me dit hier soir, si tu veux je lui en parle... Je m'y suis opposée car son comportement est violent quand on l'accule vers la vérité. Il est hors de question qu'elle s'expose à cette colère non maîtrisée, ce n'est pas son rôle d'enfant.

Hier, je lui ai donc parlé de son alcoolisme. Il me répond que oui il boit beaucoup mais il n'est absolument pas dépendant. Je lui répond que physiquement peut-être mais que vu qu'il n'arrête jamais vraiment depuis 20 ans, il est dépendant psychologiquement. Il me répond que oui il boit parce qu'il en a envie, parce que la vie sans alcool à manger à 20 h et se coucher à 22h c'est pas pour lui, autant se pendre tout de suite... J'en suis restée sans voix! Donc j'ai ma réponse, il ne compte absolument arrêter, ça ne l'interesse absolument pas. Il n'a pas besoin de voir quelqu'un pour son mal être.

Pour conclure, si je le quitte, il se suicide. S'il doit arrêter de boire, il se suicide. Et de toute façon, là il est tellement mal dans sa tête que j'ai peur qu'il se suicide même sans tout ça.

J'en ai discuté avec le médecin, qui me dit qu'aucune prise en charge contre sa volonté n'est possible. S'il fait une tentative de suicide ratée, ils pourront envisager une prise en charge, mais comme pour l'instant il est capable de dire que tout va bien, il n'y a pas de solution d'urgence.

Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus quoi dire. Je le sens en effondrement psychologique total, où la réalité le rattrape malgré la volonté de tout noyer dans l'alcool. Je sens bien aussi, que suite à mon cheminement personnel et au travail que j'ai fait sur moi-même, le mécanisme de transfert par lequel il me renvoyait à la figure toute sa souffrance est cassé. Et sincèrement, même une sainte ne remettrai pas en place ce putain de mécanisme, parce que là ce serait mon effondrement mental à moi. Je veux bien sacrifier une partie de ma vie pour qu'il reste en vie, mais c'est au delà de mes capacités.

Donc voilà, je suis dans une impasse, je n'ai aucun pouvoir sur la suite. Et je m'attend à tout moment que le téléphone sonne pour les pires nouvelles. Et en même temps, je suis terrorisée que cette situation s'éternise. Ça me ronge tellement, ma fille aussi, je ne pense pas que ce soit bon pour notre santé

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1 réponse


Muchon - 08/02/2024 à 11h41

Ma chère amie,,

En premier je voudrais saluer votre résilience parce que 20 ans c’est long. Votre épuisement est légitime.

En deuxième je voudrais souligner que votre expérience, bien qu’elle semble pareille que celle d’autre femme, n’appartient qu’à vous. Vous êtes spectatrice au premier plan de cette situation, c’est vous qui subissez. Vos choix et vos décisions découlent de ce que vous vivez, vous n’avez aucune obligation de vous justifier. Jamais, ni envers lui, ni envers votre fille, ni envers le reste du monde.

Je ne me permettrais jamais de juger votre mari, mais ce qui ressort de votre témoignage c’est qu’il sait que vous allez rester et en “profite”. Il n’y a rien de pire que le chantage au suicide, et de mon experience, quelqu’un qui veut vraiment mourir ne prévient personne. Vous vivez une prise d’otage, et c’est profondément injuste pour vous.

Il est aussi injuste envers lui-même, personne ne devrait imposer sa présence à quelqu’un qui n’en veut pas ou qui n’en peut plus. Il sait que vous vous êtes détachée et a l'air de préférer être avec quelqu'un qui ne veut pas de lui plutôt que d’être seul. Votre mari doit avoir une estime de lui extrêmement pauvre et c’est malheureux pour vous deux.

Mais je sais aussi que parfois c’est tellement dur de faire face à ses propres erreurs (ou horreurs) que ce genre de comportement n’est rien d’autre qu’une forme de protection. C’est un comportement infantile, destructeur et émotionnellement violent mais c’est aussi un comportement qui témoigne d’une peur profonde de devoir assumer les conséquences. Ce n’est pas une raison pour que vous subissiez évidemment, c’est juste une piste pour vous permettre de comprendre que rien n’est dirigé contre vous. Il est coincé dans son propre film et vous êtes un dommage collatéral de son histoire à lui.

Si vous en avez encore le courage, amenez le à comprendre son problème par lui-même lorsqu’il est sobre, avec bienveillance et recul. D’humain à humain, en mettant de côté le fait que c’est votre mari. Amenez le à comprendre que si ceux qu’il aime s’éloignent de lui, ce n’est pas une conspiration. Ce n’est pas dans le but de le faire souffrir gratuitement. Demandez-lui de vous parler de sa détresse, dites-lui que vous entendez ses larmes mais que vous ne pouvez pas l’aider si lui-même ne comprend pas d’où elles viennent. C’est un effort à fournir, encore, et vous avez le droit de plus avoir la ressource nécessaire pour le faire, mais le confronter et demander de l'honnêteté sincère et adulte sera salutaire pour vous deux. Si vous en avez le courage, vous allez devoir chausser le rôle du psy qu’il refuse d’aller voir.

Lui avez-vous demandé de quoi a-t-il peur? Du rejet? De la solitude? De lui-même? Pourquoi a-t-il peur de vous perdre? Par convenance sociale? Parce qu’il vous aime? Mais comment peut-il aimer sincèrement quelqu'un qui, selon lui, lui ment? Alors pourquoi il vous aime? Et s'il vous aime pourquoi n’entend-il pas votre détresse? Qu’est ce qu’il ressent lorsque vous lui parlez de son comportement? De la honte? De la peur? Et rebelote, de la peur de quoi? C’est un travail de mineur de fond.

La bienveillance c’est aussi être sévère parfois. Ne le laissez plus prendre de l’accroche lorsqu'il est ivre, il serait peut-être bon pour vous et lui de casser ce cercle vicieux. Ne répondez plus au téléphone à partir d’une certaine heure et expliquez-lui que vous ne serez disponible que lorsqu'il sera sobre. Il ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, en plus de l’attention de la crémière. Vous êtes englué dans ce schéma depuis trop longtemps. Prenez cette décision et soyez intransigeante. Quitte à bloquer son numéro le soir. Au début ce sera dur pour vous et pour lui, mais petit à petit il se rendra compte que vous êtes là quand même. Dites-lui que s'il veut boire “puisqu’il aime ça”, vous ne serez pas disponible puisque vous vous n’aimez pas ça. Répétez-lui que ces choix ne représentent aucune obligation pour vous. Réinstaller votre autorité.

Quant à votre fille, et je me sens particulièrement touchée par sa condition de part mon expérience, il faut lui laisser être actrice de cette histoire. Elle a 16 ans et comprend parfaitement ce qu’il se passe. Si vous sentez un danger pour son intégrité physique alors il faut la mettre en sécurité mais il faut qu’elle puisse exorciser sa frustration. Proposez-lui d’écrire une lettre à son père, et ne la lisez que si elle vous le demande. Elle n’est plus seulement votre enfant, elle est la fille d’un père alcoolique, et elle est en train de se construire autour de ça. Vous ne pouvez rien faire d’autre que l’accompagner et la soutenir dans ce qu’elle ressent. Rappelez lui régulièrement que son père est un être humain avec ses travers, ses traumas, ses accidents de vie, et que ce qu’il fait n’est pas une preuve qu’il n’aime pas sa fille. C’est une preuve que lui-même ne s’aime pas assez pour aimer correctement les autres.

Mais surtout, ne vous laissez plus prendre en otage. Partez si vous devez partir. Vous n’êtes pas responsable de ces choix. C’est terrible, j’en conviens et ça fait peur, mais vous avez une vie à vivre aussi.

Je le répète, l’alcool ne doit pas faire de nous des victimes.

Bien à vous ma chère amie

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