Consultation d'une sage-femme : aborder la question des toxiques en début de grossesse

Vidéo réalisée par la Fédération Addiction pour le site http://www.intervenir-addictions.fr 

Voix off : Laura, 30 ans, en couple depuis 2 ans, exerçant en tant que commerciale en CDI dans une entreprise de communication, vient de faire un test de grossesse qui se révèle positif. Sur conseil de sa meilleure amie, elle vient pour une première consultation de sage-femme.

La Sage-femme : Bonjour

La patiente : Bonjour

SF : Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Patiente : J’ai fait un test de grossesse il y a 10 jours et il est positif.

SF : De quand datent vos dernières règles ?

P : Euuuh, ça fait 6 semaines environ. 

Voix off : Dans un premier temps, Marion aborde l’histoire médicale de la patiente ; au détour de cet entretien, Marion aborde la question des consommations de la patiente.

S : Est-ce que vous fumez du tabac ?

P : Oui, je fume 5 cigarettes par jour.

S : Et c’est votre consommation habituelle ?

P : Non non, depuis que je sais que je suis enceinte, je n’en fume plus que 5 par jour mais avant j’en fumais une vingtaine.

S : Et ça se passe comment ? Ce n’est pas trop difficile ?

P : Un peu, surtout le matin, c’est difficile, mais je n’arrive pas à arrêter complètement… Je sais que ce n’est pas bon pour le bébé…

S : Vous savez, c’est difficile, le tabac est un produit très addictif. Est-ce que vous pensez que vous avez besoin d’aide ?

P : Comment vous pouvez m’aider ? On m’a dit que les patchs ce n’est pas bon pour les femmes enceintes.

S : Contrairement à ce que vous avez entendu, ce n’est pas du tout contre-indiqué, il n’y a pas de risque pour votre bébé. Au contraire, on limite les risques liés à l’intoxication.

P : Mais si j’ai un patch, je ne peux plus fumer ?

S : Si, il n’y a aucun danger à continuer de fumer sous substitution. Cela modifiera uniquement votre manière de consommer. Je peux vous en prescrire tout de suite si vous voulez. Sachez qu’avec une ordonnance, la sécurité sociale prend en charge à hauteur de 150 euros par an mais vous devrez avancer les frais. Sachez également que si votre conjoint souhaite vous accompagner dans votre démarche, je peux également lui prescrire un substitut nicotinique.

P : D’accord, je pense que je vais essayer alors.

S : Et sinon, est ce que vous consommez autre chose que du tabac ?

P : Mais de quoi vous me parlez ?

S : Cannabis, héroïne, cocaïne, alcool ou des médicaments.

P : Silence. Ben ça m’arrive de fumer du cannabis… de temps en temps.

S : De temps en temps ?

P : Le soir avec mon mari, pour se détendre après le boulot et se retrouver… Euuuuh, et ça m’aide à dormir.

S : Et vous fumez depuis longtemps ?

Voix off : Marion va maintenant aborder l’historique de la consommation de cannabis. Après discussion, il se trouve que Laura fume du cannabis depuis l’adolescence plutôt de manière festive et plus régulièrement depuis 3 ans. Marion aborde à ce moment les risques des consommations pendant la grossesse à l’aide de brochures qu’elle va commenter. Ensuite, Marion va procéder à l’examen clinique et confirme la grossesse.

Laura se rassoie et se met à pleurer.

P : Et puis je vous ai pas dit, il y a quelques semaines, j’ai fait une soirée avec des amis, et j’ai bu. Je ne savais pas que j’étais enceinte, est ce que c’est grave ?

S : Et vous, qu’est-ce que vous en pensez ?

P : J’ai lu sur internet que mon bébé pourrait être malformé.

S : Alors on va en parler si vous voulez. Habituellement, consommez-vous de l’alcool ? A quelle fréquence et quelle quantité ?

P : Souvent le weekend, lors de soirées, je bois quelques verres.

S : Effectivement, c’est bien d’en avoir parlé. En effet, il y a des risques sur le développement du bébé et surtout sur le cerveau et cela dès le premier verre d’alcool. On recommande "zéro alcool" quel que soit le stade de la grossesse et (pendant l’allaitement). Cet épisode de consommations va entraîner une surveillance un peu plus soutenue, ce qui vous permettra de vous rassurer. Je peux également vous mettre en contact avec une collègue hospitalière avec qui je travaille souvent et qui pourra vous accompagner et répondre à vos questions. Par contre, il est important de revenir sur vos consommations plus régulières. Pensez-vous être en capacité de ne plus consommer du tout d’alcool ?

P : Oui je pense, avec mon mari, ça fait un moment que nous voulions arrêter ces consommations importantes le weekend.

S : La prochaine fois, si vous le souhaitez, vous pouvez venir avec lui. Avez-vous d’autres questions sur vos consommations ?

P : Donc si je comprends bien, il faut que j’arrête tout, l’alcool, tabac, cannabis ?

S : Concernant l’alcool, au vu des risques importants pour le bébé, notamment d’éventuelles malformations, OUI.

Concernant le cannabis, il est vrai qu’il faudrait également envisager un arrêt total. Les informations dont on dispose ne permettent pas d’écarter un risque pour le fœtus. Si vous le souhaitez, je peux vous conseiller une structure spécialisée qui vous accompagnera dans votre démarche (Csapa).

Concernant le tabac, vous avez déjà bien avancé, on va consolider vos efforts grâce aux substituts nicotiniques.

Voix off : Si la patiente le désire, il est en effet possible de lui proposer une consultation Addictologie dans le réseau de la sage-femme. En effet, il est important que la sage-femme se créer un réseau pluridisciplinaire afin de trouver de nouveaux appuis tant pour le professionnel que pour la patiente pour un accompagnement optimal. Un dosage du monoxyde de carbone sanguin pourrait être réalisé et permettrait d’évaluer le degré d’intoxication lié à la dépendance. En effet, la femme enceinte a tendance à diminuer le nombre de cigarettes, mais en aspirant davantage sur la cigarette elle ne baisse pas son intoxication, d’où l’intérêt des substituts nicotiniques et d’un accompagnement au sevrage.

S : Comment envisagez-vous d’arrêter de fumer ?

P : L’alcool, je pense pouvoir le faire mais pour les cigarettes et le cannabis, pour l’instant, ça me parait compliqué, surtout que je suis stressée en ce moment. Et en plus j’ai peur de trop grossir.

S : Les substituts nicotiniques vous aideront à réduire le stress en limitant le manque et vous aideront à limiter votre consommation de cannabis.  

Concernant votre crainte sur la prise de poids, la prise des substituts vous permettra également de limiter la prise de poids. De plus, si vous le souhaitez, je pourrai vous donner quelques conseils diététiques. 

P : Oui je veux bien.

S : Pour résumer, si j’ai bien compris, vous vivez une situation de stress qui influe sur vos consommations. Notre premier objectif et d’essayer d’arrêter toutes les consommations d’alcool et de cannabis. Je comprends que l’arrêt total de toutes les consommations soit difficile, d’où la nécessité d’un accompagnement. Nous procéderons étape par étape. Pour limiter le stress, nous pouvons également réfléchir à d’autres méthodes non médicamenteuses pour vous aider : sophrologie, acupuncture, psychothérapie, activité physique, homéopathie, conseil diététique….

Voici votre ordonnance pour les substituts nicotiniques et je vous propose qu’on se revoie assez rapidement pour faire le point et organiser le suivi de votre grossesse. Il serait peut-être bien que votre mari vous accompagne dans votre démarche. Sachez que la prochaine fois, vous pouvez venir avec lui, s'il souhaite être présent. D’ici-là, n’hésitez pas à me rappeler si besoin.

Voix off : Pour les femmes présentant des conduites addictives, la grossesse est souvent une période porteuse d’espoir de renouveau, parfois d’angoisses accrues, et dans une majorité des cas de culpabilité et de doutes liés à l’image de "mauvaise mère" qui peut leur être attribué.

Comme préconisé dans le repère "Femmes et Addictions", un travail sur la gestion du stress est indispensable, tout comme le travail de repérage et d’évaluation des consommations pendant la grossesse. Ce travail doit être réalisé en veillant à ne pas perturber l’équilibre entre la réalité de la responsabilité biologique de la femme enceinte et la nécessité de ne pas susciter de culpabilité supplémentaire en évitant les jugements moraux.

Pour cela, la mise en place d’un accompagnement pluridisciplinaire et inter-équipes avec les professionnels partenaires qui auront été sensibilisés à la question des addictions au préalable est préconisé. Cet accompagnement pouvant associer le père, si la situation le permet.

Retour à la page précédente